La lumière et seulement la lumière
Regarder une photographie d’Yves Desbuquois, c’est avant tout faire un pacte avec le temps. C’est accepter de se poser et refuser de courir. Et jouir du clair-obscur. De cette lumière qui, sans être une religion, est l’élément principal de ses “constructions photographiques”. La mise en scène n’est pas l’apanage du cinéma. La mise en scène n’est pas non plus synonyme de scène froide, où l’ordre des choses l’emporterait sur un certain chaos de bon aloi. Les images de l’artiste sont un savant mélange de savoir-faire et de poésie. La couleur siège en reine. Une couleur qu’il apprivoise, en jouant parfois sur la saturation de certaines pour en adoucir la teneur et donner une impression de velours qui lui est propre. La mémoire et l’histoire se lisent ainsi, belle nostalgie, sans regret ni rancoeur, en ne montrant que la beauté des choses qui s’éteignent. Et parfois, la surprise l’emporte, comme un cadeau, une gourmandise : une vie nouvelle s’est installée. C’est le fond d’une piscine ou les murs d’un vieux bâtiment qui offrent leurs flancs aux délires géniaux de certains. Et toujours la plume du photographe qui écrit en creux une histoire qui se lit en image, le pinceau du faiseur de clichés qui peint un nouveau tableau… Ainsi, la scène la plus figée reprend vie, trimbalant, sur les objets qui la composent, la poussière, la couleur délavée, la rouille majestueuse, toutes ces petites choses qui expliquent le temps.
Les photographies d’Yves Desbuquois ne sont pas des morceaux d’instants, mais des morceaux de vies minuscules qui disent tellement de choses à celui qui accepte de regarder et non plus de voir. Un Pierre Michon façon Desbuquois. Des images qui donnent envie de toucher la surface lisse de scènes au relief si marqué. Un esthétisme qui parle à tous.
Et si tout pouvait être beau ?
Gérald Lucas